La surveillance de systèmes cyber-physiques en temps réel est une activité industrielle primordiale nécessitant de déployer des ressources non négligeables, et ce d'autant plus que le système à maintenir revêt une haute importance stratégique ou un danger élevé en cas de dysfonctionnement.
Maintenir une surveillance constante nécessite une certaine quantité de ressources, notamment en termes de capteurs, de traitement de signal, ainsi que d'analyse des informations obtenues. De fait, le choix du nombre de ces capteurs et de leur fréquence d'échantillonnage est un compromis entre la consommation de ressources et le niveau de sûreté.
Le principe de la surveillance du système est d'utiliser les informations fournies par les capteurs pour calculer à chaque instant la position de l'état du système dans l'arbre de ses comportements théoriques. Cela permet de détecter les évènements anormaux et d'anticiper leur apparition. Cependant, cette méthode offre encore peu d'outils pour optimiser le processus de choix des instants et de la fréquence d'échantillonnage des systèmes cyber-physiques.
Le raisonnement qualitatif, qui consiste à abstraire l'état physique du système en domaines correspondants à des sous-ensembles de l'espace d'état, permet d'identifier en amont les comportements théoriquement possibles qui pourraient poser un problème, en fixant par exemple des seuils à ne pas dépasser. Étant capable de déterminer quels seuils pourront être franchis dans des conditions normales d'utilisation, le raisonnement qualitatif permet de mettre en avant les états à risque du système.
Nous proposons une approche qui calcule hors ligne une carte qualitative du comportement d'un système, et qui l'exploite pour adapter en temps-réel la fréquence d'échantillonnage et l'échelle de quantification utilisées pour observer le système. Cette carte permet ainsi d'augmenter la précision des observations lorsque l'on s'approche d'un évènement (transition, barrière) ou au contraire de diminuer cette précision lorsque le système est loin de toute transition.
Cette carte qualitative dispose de plusieurs strates qui indiquent pour chaque zone : la fréquence d'acquisition, la précision des mesures, les termes négligeables d'une équation, etc. Elle peut être enrichie de strates supplémentaires en fonction du domaine d'application. Il est notamment possible de prendre en compte des zones qualitatives qui délimitent des propriétés ayant une importance particulière liée à un domaine métier.
Nous combinons ainsi des strates construites automatiquement à partir du modèle du système (modes, équations différentielles des variables d'état, invariants) à des strates apportées par une expertise métier pour construire une carte qualitative du comportement du système qui nous permet d'optimiser le processus de surveillance, tant en termes de débit d'information qu'en termes de calcul de la criticité de l'état du système.
Contrairement à la simulation, la surveillance du comportement du système offre l'avantage de pouvoir revenir à des observations précises lorsque c'est nécessaire, même après avoir utilisé une quantification grossière et un échantillonnage lent. Les méthodes qualitatives s'y appliquent donc de façon plus efficace.
Le raisonnement et la modélisation qualitatifs peuvent donc être un atout très performant pour la surveillance des systèmes cyber-physiques, autant en amont de leur utilisation qu'en temps réel.